La caractéristique de cette association est qu’elle regroupe des médecins aussi bien généralistes que spécialistes de toutes disciplines venant du sillon mosan allant d’Andenne à Amay, du Condroz et de la Hesbaye; elle compte actuellement 250 membres, tous médecins.
L’Union médicale Huy Hesbaye Condroz se veut le point de rencontre de ces médecins qui ont ainsi l’occasion de mieux s’apprécier que par de simples contacts épistolaires.
Elle est un lieu de formation continue que ce soit lors de réunions mensuelles ou lors d’une après-midi thématique annuelle, ou encore lors d’un congrès annuel qu’elle organise chaque printemps. Elle organise également chaque année une journée sportive de détente.
Les statuts de cette Union professionnelle ont été annexés au Moniteur belge du 22 octobre 1910. Elle avait cinq buts :
En 1955, l’Union médicale a adopté un code de déontologie où l’on limitait le droit à l’installation, où l’on interdisait une pratique surannée de charlatanisme, de rabattage ou de compérage. On y décrivait de façon détaillée les relations à apporter entre médecins traitants et les chirurgiens avant, pendant et après une intervention chirurgicale.
C’était à la fois une société de défense des intérêts professionnels et le précurseur de l’Ordre des médecins. Il est à noter que le docteur Joseph Mattlet, fondateur et ancien président de l’Union médicale Huy Hesbaye Condroz, s’est retrouvé à la tête de l’Association médicale belge qui a édicté les principes fondateurs de l’Ordre des médecins.
L’Union médicale s’est encore impliquée dans le Comité d’entraide qui apporte aide aux familles de médecins en difficulté et dans l’Engagement d’honneur où tous les signataires apportent leur quote-part pour aider dans l’urgence les proches de médecins signataires décédés.
Chères consoeurs, chers confrères,
Le Comité de l’UMHHC vous remercie de votre présence assidue à toutes nos diverses activités tout au long de l’année et particulièrement à cet événement exceptionnel qui couronne le premier centenaire de notre association.
Vous avez vu à l’Orangerie les photos des fondateurs de l’UMHHC : les docteurs Monjoie, de Bournonville, Joseph Mattlet, Siquet, Clerbois, Lefebvre et Renard. Comment vivaient les fondateurs de l’Union médicale Huy Hesbaye Condroz ? Comment l’UMHHC a-t-elle passé ces cents ans ? C’est la tâche ardue à laquelle je me suis attelé en interviewant des amis de longue date, confrère, épouse ou fille de médecin qui pouvaient m’aider à vous transmettre leurs souvenirs. Je sais particulièrement gré à madame Plancq de m’avoir transmis ses photos d’archives et je remercie beaucoup Georges Lismonde, Guy Mattlet, Etienne Rosoux, Mad André Lamalle, Edmond Danthine, Marie Louise Guillaume qui m’ont fait comprendre la vie de nos prédécesseurs.
La vie des médecins de 1910 n’était pas facile ; ils vivaient fort isolés les uns des autres, sans avoir les contacts médicaux et scientifiques que nous connaissons, avec des moyens de diagnostic et de traitement, des conditions de vie que nous n’imaginons plus. Certes les médecins de village du début du siècle étaient des notables, parmi l’instituteur, le curé, le pharmacien et le notaire du village ; par contre, ils n’avaient aucun jour de congé, aucune vacance et n’imagineraient pas que leurs successeurs puissent bénéficier de ces moyens technologiques qui nous facilitent tant la vie.
J’ai vu chez madame Guillaume les photos de la carriole à laquelle son père, Joseph Peters, médecin généraliste de 1905 à 1955 à Marchin, attelait son cheval pour faire sa tournée. Il suturait tous les blessés car les accidents de circulation ou de travail dans les fermes étaient légion, il accouchait à domicile, réduisait les luxations ou les fractures avant de les immobiliser, il arrachait les dents. Son confrère Watteau se déplaçait de la même façon. Ces confrères n’avaient ni stagiaire, ni secrétaire, ni infirmière, leur épouse remplaçait à elle seule ces trois professions.
Quand venait un accouchement, ils demandaient que l’on leur prépare un fauteuil et une couverture pour attendre la délivrance auprès de la parturiente. On préparait des draps et on faisait cuire de l’eau sur le poêle à bois. Les sièges ne leur faisaient pas peur et ils avaient toujours des forceps prêts dans leur mallette. Au retour d’une longue nuit de délivrance, il arrivait qu’ils s’endorment et leur cheval les ramenait à destination.
Parfois les accouchements s’annonçaient plus difficiles et l’on appelait un gynécologue à la rescousse.
Il y avait une opération à faire ? Le médecin de famille, André Rosoux, le père de notre jubilaire, bourgmestre d’Ohey durant plus de vingt ans, faisait charger dans sa charrette la table d’examen, des draps, se retrouvait dans une ferme avec le chirurgien Delgoffe qu’il avait appelé en renfort, un autre généraliste ou le pharmacien Dejardin de la rue Neuve aiderait à pratiquer l’anesthésie. On prenait une lampe de 200 watts et il fallait la raccorder à un piquet métallique en guise de prise de terre.
Je n’ai pas eu beaucoup de témoignages sur les conditions de pratique durant la première guerre qui a suivi de peu la création de notre association. Les conditions de vie et les exactions des envahisseurs y ont été des plus cruelles. Ce fut la découverte des armes chimiques et de l’Ypérite dont j’ai encore vu les ravages 40 ans plus tard chez certains membres de ma famille. Le docteur Marcel Bolland, né en 1887, père de madame Lamalle, opérait à la clinique St-Mort (Maur). Il a exercé la profession médicale durant la guerre 14-18. Puis il a été envoyé par les Allemands dans des camps de détention pour officiers russes, anglais et français où il a dû soigner des épidémies de typhus. Il est revenu dans un état squelettique à la fin de la guerre et s’est installé à Huy dans les années 1920, donc dix ans après la fondation de l’ UMHHC.
Période d’entre-deux guerres : les carrioles du docteur ont fait place à des engins motorisés.
En 40, retour des Allemands ; les voitures sont réquisitionnées. Certains, comme le docteur Lamalle les gardaient prudemment enfermées dans leur garage ; certains confrères se déplacent en vélo tandis que d’autres équipent leur voiture au gazogène : le docteur Edmond Danthine alors à Wellin utilisait sur place la voiture du confrère qu’il remplaçait mais prenait sa moto FN pour rejoindre le dimanche sa famille liégeoise enfermée dans les caves pour échapper aux explosions des V1.
La sécurité des médecins n’était guère assurée : le docteur Van der Kan avait été arrêté par les Allemands car il avait soigné des jeunes réfractaires qui s’étaient cachés dans les bois pour éviter le travail obligatoire en Allemagne. Cela lui a valu quatre mois de détention. Durant l’offensive Von Rundstedt, le docteur Danthine a dû traverser à pied les rangs de l’armée allemande qui se retirait pour se rendre dans une ferme où il effectuait un accouchement tandis que le vétérinaire, deux mètres plus loin, pratiquait un vêlage. Notre confrère ORL hutois Collemant fut arrêté par les Allemands pour avoir participé à la résistance et abattu en 1944.
Quand une intervention chirurgicale devait être pratiquée, le médecin de campagne appelait à l’aide le chirurgien. L’intervention se déroulait parfois dans une des deux chambres que le médecin généraliste tenait à la disposition de ses patients en mauvaise santé. Lorsqu’il s’est installé à Havelange, le docteur Danthine a voulu continuer la même pratique et il lui est arrivé plusieurs fois (années 1947-1948) qu’un chirurgien se rende chez lui pour opérer les patients dans sa salle de bains tandis que lui-même assurait l’anesthésie.
Pour traiter la diphtérie, il utilisait du sérum qui devait être gardé au froid. Il conservait ce sérum antidiphtérique dans le frigo du boucher d’Havelange.
C’était la période tragique des poliomyélites et Georges Lismonde m’apprend que les troubles de déglutition précédaient de peu l’apnée et que c’était le moment de trachéotomiser. Il n’y avait pas de respirateur à Huy et il est arrivé que ORL et interniste accompagnent vers l’hôpital de Bavière leur patient trachéotomisé, dans un convoi entouré de motards.
Quasi chaque jour de la semaine, samedi et dimanche compris, l’interniste André Lamalle était appelé par un médecin traitant pour effectuer une consultation à domicile. Il emmenait son électrocardiographe. Ils examinaient ensemble le patient, se retiraient gravement dans une autre pièce pour discuter du cas et remettaient des conseils ou un nouveau traitement au patient. Le spécialiste réclamait l’entièreté des honoraires et en restituait une partie au médecin traitant. C’était l’époque de la dichotomie pour les interventions.
Le généraliste réclamait ses honoraires au patient tous les six mois.
La Sécurité sociale ne se serait installée que dans les années soixante, quatre ans avant les premières grèves médicales.
Il n’y avait qu’une ambulance à Huy dépendant de la Croix Rouge. Il arrivait fréquemment que le médecin soit appelé à transporter lui-même les blessés.
Il y avait au départ peu de relations entre les différents médecins qui étaient concurrents et ce n’est qu’à l’instauration des vacances dans l’après-guerre que des liens se créèrent.
Il n’y avait aucune formation continue et le docteur Danthine a secoué le corps académique pour créer en 1968 la Société Scientifique de Médecine générale, qui compte encore maintenant trois mille personnes.
Les médecins n’étaient guère assurés en revenu garanti et quand ils tombaient malades, c’était une catastrophe. Un médecin généraliste de Villers le Temple, le docteur Brisbois, atteint de sclérose en plaques, en a fait la triste expérience et cela a incité le docteur Edouard Nicolas à fonder le fonds d’entraide et à participer à la création de la mutuelle médicale du Hainaut avec le docteur André Mineur de Charleroi.
Dans les années 1960, il arrivait encore à mon confrère Georges Lismonde d’être appelé à pratiquer des amygdalectomies à domicile du côté de La Roche, dans ces fermes rustiques où les gens vivaient, pour se chauffer, dans une pièce adjacente à l’étable. Il arrivait qu’une vache passe sa tête au-dessus du muret séparant les deux pièces pour assister à l’intervention. Il n’y avait pas toujours du courant, ou c’était du continu et pas de l’alternatif. Il fallait prendre des piles et se munir d’un soquet prise pour se brancher sur l’ampoule qui éclairait la pièce.
Le médecin généraliste est sorti progressivement de son isolement. L’UMHHC fondée en 1910 a été pionnière en la matière, en rapprochant les confrères, en assurant une formation continue, en édictant les principes de déontologie bien avant la fondation de l’Ordre des médecins, en créant le fonds d’entraide et l’engagement d’honneur pour protéger les cas malheureux ou venir en aide aux familles en difficulté.
A cet égard, je souligne le rôle de Joseph Mattlet, sorti de Liège en 1901, médecin généraliste à Statte puis à Huy, membre fondateur de l’Union médicale Huy Hesbaye Condroz. Il fut durant quarante ans délégué hutois à la Fédération médicale belge où il créa les bases de l’Ordre des médecins.
Le mot de la fin reviendra au docteur Philippe Danthine, qui en évoquant la pratique de son père et la sienne, me fait remarquer que c’est seulement depuis trente ans que la technique a bouleversé les traitements. Depuis la fondation de notre association, il a fallu 30 ans pour voir arriver la pénicilline et les premiers antibiotiques, puis encore trente ans de lents progrès avant de voir après 1980 l’essor des techniques. Quand il s’est installé en 1974, Philippe Danthine était fréquemment rappelé la nuit pour traiter des crises d’asthme, pratiquer des saignées, pour traiter des œdèmes aigus du poumon… Il avait trois fois plus d’urgences la nuit qu’actuellement. Les infarctus étaient traités à domicile…
L’imagerie médicale est passée progressivement des techniques de radioscopie pulmonaire à la radio standard, à la tomographie, au scan, à l’irm puis au pet scan. Toutes les disciplines ont participé au même essor : la cardiologie, l’électrophysiologie, la chirurgie laparoscopique, la réanimation, le guidage chirurgical, l’oncologie et tant d’autres.
Le temps opératoire et la durée d’hospitalisation se sont sérieusement écourtés.
Puissent toutes ces améliorations techniques converger pour apporter au patient la guérison ou un soulagement tout en préservant le caractère humain de notre profession et puisse l’esprit qui a guidé les fondateurs de notre union médicale continuer à souffler sur les bords de Meuse.
Docteur Jacques de Vos.